Le foulard oublié

« Va-et-vient » numéro 4

Dans la lignée des célèbres Vases communicants, ce numéro 4 de Va-et-vient reprend le même schéma de communication : des personnes qui écrivent un texte (avec ou sans illustration) sur le blog des autres. Ce jeu littéraire paraît tous les premiers vendredis du mois. Le thème de celui-ci s’intitule « Le foulard oublié ».

Pour cette édition, un texte d’Amélie Gressier vient sur le : Désert occidental. quand Jean-Yves Beaujean va sur son blog Plume dans la main,

……. D’autres vont & viennent !

Jérôme Decoux voit sa contribution paraître sur Métronomiques & Dominique Hasselmann sur Carnets paresseux. Marie-Christine Grimard a échangé avec Marlen Sauvage et est hébergée sur le blog de celle-ci : Les ateliers du déluge, tandis qu’elle l’accueille sur Promenades en Ailleurs. L’autre échange se déroule entre Brigitte Célérier qui est publiée sur le blog de Dominique Autrou : La distance au personnage, tandis que lui-même voit sa contribution figurer sur le blog de celle-ci, Paumée.

J’y ai réfléchi longtemps.
Tu t’es assez tu pour que j’affûte ma lame.
Tu m’as assez parlé pour que j’aiguise mon couteau.
Entre les deux il y a mille choses.
Le froid glacial.
La lande déserte, l’herbe givrée qui crisse sous nos pas.
La lune, pleine dans deux jours.

Si tu n’avais pas oublié ce foulard, on ne serait pas là, toi et moi. Tu serais en train de me consoler, de me dire d’être forte, en train de te rapprocher, une amie dont je serais incapable de comprendre les intentions. Les fleurs du cimetière pas encore fanées, j’imagine très bien ta voix doucereuse, tes mots vénéneux, comme un poison.
Quelques gouttes de sang sur un morceau de tissu égaré, c’est si petit. Mais dans chacune d’elles, sa vie pulse et la mienne avec.

Le faisceau de ma lampe torche.
Ta silhouette qui avance devant moi, sans plus oser se retourner.
L’odeur de la neige, la buée de nos souffles quand nous expirons,
nos voix qui se taisent.
Nos voix qui se taisent car tout est dit.

Tu n’as plus rien à faire ici.

Ce foulard, je te l’avais offert avant que tu ne partes.
Quelle belle ironie.
Parfois je me demande si tu l’as vraiment oublié.
Peut-être voulais-tu que je le trouve.
J’ai fini par m’en convaincre.

Tu vas voir.

Moi aussi j’ai le sens de la mise en scène.

Amélie Gressier

Profil

profil de reine 2004
Peinture 50/50cm j’y beaujean

Au silence des images

(Peu d’émissions de télé pour l’image)
Calme, solitaire à rugir dans son cadre,
l’image fixe ne peut être laissée seule
Le son, lui, est bien plus photogénique
alors oui, un/une « commissaire » parle devant les tableaux.

(surtout à l’écran, ne pas laisser le silence s’installer. )
Ne pas laisser les couleurs dégouliner.

(en fait, il parle à l’intervieweur invisible )
« attention ! Beau parleur, y’a quoi à regarder. »

« Pôx & dxvagi
à! öüb €¥ ?

alor hoza kîīDęc
<>& pú€/§ °[gr….]° f! »

Que disent-ils?
Le message est un peu secret
L’interlocuteur est interloqué

& moi, avec mon poste tout déréglé !
J’ai l’air fin, le son coupé.

mirliton


Commis, commis serre les dents
c’est la rengaine du moment
le mage à l’envers du miroir
habits de foire, chaises patentes

c’est dli dli dli
dli manse pho lit

et tout ça dé ka pente

caroLine D.

À l’écran

« Bien le bonjour, madame »
L’ Écran
Peinture bjy 2022



Une dernière fois
L’écran se souvient de l’image.

Du noir & blanc de sentiments
Où les sous titres défilent
à la musique d’une langue.

J’y découvre la géographie des mots.

mirliton


Chapeau
Y’avait qu’à le soulever
d’un petit centimètre
La main sur une hanche
comme dans un western
Pour que tout l’horizon
se dessine lui-même.

Caroline D.

Couplet

La chanson d’automne

« gott gluggaveður! »
S’exclame l’islandaise
« Un joli temps d’fenêtre »
Chaud et lumineux derrière la vitre
Venteux, glacé dehors le bout du nez

Après la météo, mêlons
L’air vivifiant des pommettes
Plus d’trempettes dénudées
Les poissons tranquilles dans l’bouillon
& les mouettes et Chandon à crier.
🌑
mirliton

⚪️

on y parlait du jour
où il fut décidé
que le froid serait bleu


quelques minutes avant, on avait décidé
de la couleur des feuilles d’automne


compliment, complément
par chance qu’on trouve à rire
entre les arraches du temps


reste qu’hier
j’ai glissé sur la glace
elle était noire celle-là
enfouie sous une poudre de neige

sans blague, ayoye ma tête
sur le trottoir glacé


non mais fallait m’ivoire

🌕
caroLine D.
🌑

Le vieux en épouvantail

Le vieux en épouvantail

épouvantable venteux
vénérable avec l’âge
la main hésite à se copier
voudrait se retenir de l’illusion
pour retrouver un lointain souvenir
une image composite de l’émotion.

mirliton

🪞
Ce doit être la vastitude
des images et du monde
tous les recoins de l’âme
et du terrain à vivre


Ce doit être la plénitude
des années à se faire
pour tous les amours à la ronde
et le temps qui s’en mêle


🌬caroline D.
🪞

En écho
ces deux « haiku » de Issa:


« Dans mon vieil âge,
même devant l’épouvantail,
j’ai honte »


« La claire pleine lune,
comme si rien d’extraordinaire,
l’épouvantail, là. »

De la figure

De la figure

Les corps sont là pour briser les lignes du cadre;
l’espace trop rigide du tableau.
Une fenêtre s’organise en figure déliée, courbe.
La courbe appelle le corps & le corps la danse.
L’habit étant souvent l’oubli du corps
ou l’aveu d’une mise en scène
.
🍥
La perspective des traits peut devenir une simple mise en volume.
Le vertige des courbes invente alors des personnages.
Ils doivent nous convaincre de leur existence
Simplement par leur présence
Se tourner vers nous, nous observer
Quelquefois nous séduire.
🍥
J’y en Mirliton
-Nov 2021-Peinture sur bois 123/63cm –
Jean-Yves Beaujean

🍥
.Et la ligne se trace depuis le sang, la glace,
déversant sur le soir toutes les couleurs de l’ombre.
On y voit à travers la beauté nébuleuse –
c’est la danse des corps qui dessine l’histoire.

Et la nuit qui redonne novembre.
Les pieds pansés d’argile, sept fois,
au grand tournant du jour.
🦚
Caroline D.

Des rails

Des rails

🎢Vive démesure dans la nature des choses
Des mobiles policés s’expriment.

L’épicé mise cul & chemise,
sur la voie rapide du discours où l’on
déplore, déploie les lèvres encore humides,
les mots sous l’emprise du rail.

À coiffer la lune d’un voile noir
ajouré de vertiges & mensonges,
la langue où tu glisses ta voix
se pourlèche toujours d’un écho.

Reste ainsi enivré l’esprit vague,
voyageur immobile du roulis.

🌪
miRliTon


🌬Mais le voile, dis-moi,
qui l’y avait mis?
Était-ce un coup du temps peut-être,
d’une plage sans personne?


Il se rendait pourtant sans mal
jusqu’au bout du matin.
Surtout là où le jour ne tenait qu’à un lac,
parfois une rivière.


Il débarquerait donc sans hâte
le moment venu.
À l’instant de l’exactitude.


D’ici là, il y avait la fenêtre.
🧚🏿
caroline D.